Discours du 28 février 2022 à 12h sur la Place de la Riponne à Lausanne
Bonjour,
Bienvenue à cet événement de la campagne AGISSONS POUR LA VIE. Ma candidature au Conseil d’État est un cri du cœur, un appel à la conscience et l’action collectives. Mon objectif est de donner une voix aux Vaudoises et Vaudois qui sont aussi préoccupés que je le suis face à la catastrophe écologique et l’inaction politique. Mon programme tient en trois points : Informer continuellement sur l’évolution de la situation écologique comme cela a été le cas durant la pandémie. Prendre des mesures fortes pour répondre à l’urgence et la gravité de la situation. Mettre en place un panel citoyen tiré au sort qui délibère si les changements nécessaires impliquent de fortes tensions populaires.
Aujourd’hui le 28 février 2022 à midi, sort le 2ème volet du 6ème rapport du GIEC sur les impacts du dérèglement climatique, l’adaptation et la vulnérabilité de notre société. Parce que la trajectoire actuelle de la société de croissance industrielle est la même depuis des décennies et que la pandémie récente ne l’a pas modifiée, tout indique que les impacts de la catastrophe climatique seront pires chaque année. En effet, les émissions de gaz à effet de serre et les destructions écologiques continuent d’augmenter et mettent toujours plus en danger l’existence humaine et non-humaine sur Terre. Ce qui va suivre peut être confrontant et si c’est difficile, il faut savoir que j’ai prévu un espace de discussions avec des psychologues et autres professionnels de la relation d’aide pour vous accompagner dans ces prises de conscience difficiles mais nécessaires. Je vous invite aussi à filmer ce qui va suivre car l’histoire que je vais vous raconter mérite d’être partagée.
Pour la sortie de ce rapport et pour ma candidature au Conseil d’État, j’ai voulu illustrer ce moment et les choix décisifs qui se présentent à nous. Des choix que nous faisons aujourd’hui, maintenant, dépend la survie de l’humanité sur Terre. Cela vous concerne aussi, vous qui êtes en train de m’écouter. Pour illustrer ce point de non-retour, je vais vous raconter l’histoire de la Terre. Elle dure 4 milliards 567 millions d’années. Nous avons du mal à nous représenter des nombres aussi gigantesques. Je vais donc faire appel à votre capacité d’imagination. Imaginez-vous cette histoire sur une année de calendrier. La Terre est née un 1er janvier. La vie sur Terre est apparue le 25 février et la photosynthèse le 28 mars. Mais avant de voir des organismes pluricellulaires, la Terre a dû attendre le 16 août. Les poissons ne sont apparus que le 20 novembre et les plantes terrestres que le 22 novembre. Deux jours plus tard, ce sont les insectes qui sont apparus, dans un processus d’une extrême lenteur et fragilité. Les amphibiens apparaissent le 2 décembre et les reptiles le 6 du même mois. Les mammifères eux n’apparaissent que le 13 décembre de cette longue année. Les oiseaux le 18 et les fleurs le 20. À Noël, après 4 extinctions majeures de la vie sur Terre, les dinosaures disparaissent à leur tour. Les mammifères se multiplient à partir de là et les premiers hominidés marchant sur la Terre apparaissent le 31 décembre à 11h30. Quelle aventure incroyable ! À 23h36, peu avant minuit, après une année longue et périlleuse d’évolution sur Terre arrive homo sapiens. Vous, moi, nous toutes et tous vivant dans ce monde. À 23h59, alors que nous nous préparons à crier bonne année, nous développons l’agriculture grâce à un climat particulièrement stable.
Mais ce qui m’intéresse le plus et que j’aimerais vous transmettre aujourd’hui, ce sont les deux dernières secondes avant minuit. Vous savez, quand on crie : 2, 1, Bonne année ! Ces deux secondes représentent la révolution industrielle : l’extraction et la combustion des énergies fossiles. En deux secondes, le système actuel, prédateur et basé sur la croissance, a brûlé la vie sur Terre. En deux secondes, la 6ème extinction de masse des espèces a démarré, détruisant 80 % de nos amis mammifères et 50 % de la biomasse végétale. En deux secondes, nous avons détruit trois quarts des écosystèmes terrestres et deux tiers des écosystèmes marins. En deux secondes, nous avons dépassé cinq des neuf limites planétaires à ne franchir sous aucun prétexte. L’une d’entre elle, la plus connue, risque de nous faire subir le même sort que les dinosaures : le dérèglement climatique. Mettons-nous bien d’accord, le climat n’est que l’un des symptômes de l’impact de notre société sur Terre, mais celui-ci est d’une urgence extrême. En deux secondes, nous sommes passés d’un climat stable durant plusieurs millénaires à un réchauffement climatique global de +1,1 degrés. En Suisse, ce réchauffement est déjà de deux degrés. Deux degrés, c’est comme si on passait d’une température corporelle de 37 degrés à 39. On est très fiévreux et en mauvaise santé. L’Accord de Paris sur le climat en 2015 a fixé une limite à 1,5 degrés. Il faut savoir que cette limite est arbitraire. En vérité, la limite à ne pas dépasser serait le réchauffement actuel. En fait, si nous augmentons la température globale à 1,5 degrés, nous allons continuer à être témoins de catastrophes comme les méga-feux en Grèce, au Canada, en Australie. Si nous n’arrivons pas atteindre cet objectif, le GIEC préconise de rester nettement en dessous de 2 degrés. Donc 1,51 degrés. Un réchauffement planétaire de 2 degrés entraînerait des conséquences dramatiques et irréversibles selon le GIEC. Les États du monde entier se sont engagés à prendre des mesures pour limiter l’augmentation. Or selon le secrétaire général de l’ONU António Guterres, ces mesures nous emmènent vers un réchauffement de 2,7 degrés. Pour reprendre l’analogie avec le corps humain, pour la Suisse, cela représenterait une fièvre de 42 degrés où nous serions sur notre lit de mort. Mais cela ne s’arrête pas là. Les mesures qu’ont pris les pays sont non-contraignantes et donc non-respectées. De plus, comme vous avez pu le constater après la pandémie, nous n’avons absolument pas changé de trajectoire. Il y a désormais ce qu’on appelle le scénario du pire. Un scénario à 5 degrés qui nous amènerait très probablement à l’extinction de l’espèce humaine sur Terre. C’est un scénario, mais personnellement, je n’ai pas du tout envie de prendre ce risque. J’ai extrêmement peur pour ma fille mais aussi pour moi-même car c’est maintenant que cela se passe !
Tout je que je viens de mentionner concerne ce qui est prévisible et mesurable. Je ne vous ai pas encore parlé des boucles de rétroaction qui pourraient se déclencher à tout moment. Si ces points de bascule sont atteints, le climat sur Terre s’emballe et la vie sur Terre s’éteint massivement. Voici un scénario que nous aimerions éviter à tout prix mais qui risque pourtant de se produire si nous continuons dans la même direction. Aujourd’hui, nous avons le choix entre continuer comme avant et prendre le risque d’éteindre l’espèce humaine sur Terre ou arrêter immédiatement les énergies fossiles et choisir la vie.
Heureusement, il existe un autre scénario, une autre histoire possible. À l’heure actuelle, des millions de personnes ont déjà choisi la vie. Elles incarnent l’éveil de l’humanité sur Terre. Elles ne sont pas encore entièrement visibles, pourtant elles s’activent dans tous les domaines de société. Je les ai vues à l’œuvre à travers mes nombreux engagements. Tout d’abord, et c’est probablement la partie la plus visible, des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans les rues suite à la grève scolaire de Greta Thunberg. Des citoyennes et citoyens sont désormais prêtes à se faire arrêter par la police pour protéger la vie sur Terre. Des ponts ont été bloqués, des pipelines sabotés. Tous ces mouvements sociaux tentent à leur manière d’alerter sur la catastrophe climatique et essayent de ralentir la destruction de notre monde. J’ai aussi découvert des milliers de personnes construire des alternatives au système de croissance industriel. Tout est en train d’être repensé pour correspondre aux limites planétaires. L’énergie captée est renouvelable, et surtout la sobriété énergétique est visée. L’économie et l’agriculture se relocalisent, la mobilité devient plus douce, les déchets diminuent, l’éducation se réinvente en emmenant les enfants dans la forêt. De nombreuses initiatives sont en train de modeler le monde post-énergies fossiles auxquels beaucoup d’entre nous aspirent. La qualité de vie y est meilleure que dans le monde actuel où nous courons dans tous les sens, sans pourtant donner du sens à notre vie. Aussi, nous assistons à un immense changement culturel. Les rapports de pouvoir et la hiérarchie verticale est fortement remise en question au profit d’une gouvernance plus horizontale, plus citoyenne. Le rapport à la nature change passant du statut d’objet à sujet. Le rapport au temps et à l’argent évolue également. Les femmes prennent leur juste place après des siècles voire des millénaires de patriarcat. Les injustices sociales sont dénoncées et associées au même système qui détruit la vie sur Terre.
Un changement de paradigme est en train d’avoir lieu dans le monde, c’est indéniable. Pourtant comme tout révolution culturelle, ce changement est extrêmement lent. Or, nous n’avons plus le temps. Nous devons à tout prix encourager nos concitoyennes et concitoyens à s’engager aussi vite que possible. Alors que faire de plus ? Les mouvements sociaux, qui permettent normalement de grandes avancées, sont ici dans la demande et l’attente face aux gouvernements. Mais pourquoi demander ? Nous devons prendre la place au gouvernement de manière démocratique, et agir de là, pour la vie. Serions-nous désillusionnés par la politique institutionnelle ? Mais nous n’avons pas le choix. Le virage que nous devons opérer est tellement énorme et concerne le système dans son ensemble. Notre seule option est d’élire des citoyen-nes suffisamment conscientes de la catastrophe écologique et qui ne vont pas se laisser aveugler par le court-termisme ou les privilèges. Je sais ce que ma fille risque si je ne suis pas pas lucide, ce qui me donne le courage et la confiance nécessaires. Mais cela ne pourra se faire sans votre soutien. Il s’agit peut-être de la législature de la dernière chance pour le canton de Vaud. En 2027, il sera trop tard.
Ma candidature est un appel aux Vaudoises et Vaudois à faire ce choix de la vie, à me faire confiance pour que nous agissions ensemble. Nous devons prendre des risques, comme Guillermo Fernandez l’a fait en faisant sa grève de la faim. Ce père de famille a failli mourir ! Moi aussi je prends des risques, certes moins grands, mais je le fais parce que j’ai choisi la vie. Mobilisez vos réseaux, vos associations, vos amies, vos familles, tout le monde. Faites-les voter ! Choisissez la vie ! Agissons pour la vie !